L’ironie de l’EMC…
Par Valérie Orange, octobre 2019
Le 11 octobre 2019, une classe de Belfort vient visiter le Conseil Régional de la région Bourgogne-Franche-Comté, pour assister à son assemblée plénière. Une excellente manière de voir comment fonctionne nos institutions, en effet, rien ne vaut l’expérience pour ancrer les souvenirs.
Sagement, la classe s’installe dans la tribune du public. Les enfants ne chahutent pas, les parents et l’enseignante se tiennent à leur place… Et tous vont profiter d’une belle expérience de démocratie délibérative en action.
Sauf que… l’un des accompagnateurs est une accompagnatrice et que cette accompagnatrice porte son hidjab. Un élu du RN, Julien Odoul, jamais en reste pour faire parler de lui, affirme qu’au nom de la laïcité, cette femme ne peut rester voilée dans un établissement public et qu’elle se doit de sortir ou de se dévoiler. Après consultation de la loi et du règlement spécifique du CR de Bourgogne-France-Comté, la présidente de séance estime qu’il n’y a aucune remarque à faire sur le voile de la jeune femme qui le porte de plein droit, d’autant qu’elle n’a a aucun moment troublé l’ordre public. L’hystérie gagnant le groupe RN, ses membres qui menaçaient de quitter l’assemblée et finalement mettent leur menace à exécution. La séance se voit émailler pendant de longues minutes d’invectives entre les différents conseillers.
Elle se termine avec un enfant en pleurs dans les jupes de sa mère et une mère qui se fait ensuite, comme si cela n’avait pas déjà suffi, enguirlandé alors qu’elle était aux toilettes par une députée RN.
Quel est le bilan de tout ceci? Les implications sont multiples et dépassent largement le fait divers.
Premier constat, nous avons des élus qui ne connaissent pas la lois et qui soit demandent de faire appliquer des modalités qui sont contraire aux attentes légales, soit ont besoin d’aller vérifier dans des textes ce qui constitue le B.A.BA du cadre laïque, à savoir que seuls les agents du service public ou les représentants de l’État (députés, élus…) sont soumis à la neutralité vestimentaire. Seule exception, récente, les élèves obligés par la loi du 15 mars 2004 à retirer leurs signes religieux ostensibles dans les locaux scolaires, ou lors des activités hors enceinte scolaire mais ayant lieu sur le temps scolaire. La circulaire d’application de cette loi stipule précisément que seuls les élèves sont touchés par cette limitation et en aucun cas les parents.
Nous voyons en action un des premiers méfaits de cette loi : si le contrôle du respect de la laïcité visait précédemment uniquement les agents du service public, force est de constater que la loi a transformé le regard et fait des élèves et de leurs parents les principaux transgresseurs de la laïcité.
Il est à noter que certains médias dans leur souci de faire de l’information n’en sont pas moins à côté de la plaque. Ainsi si je prends l’article de France 3 Région Bourgogne-Franche-Comté, on observe un cumul d’erreurs. L’article commence à argumenter la situation à partir de la loi de 2010 relative à la dissimulation du visage. Cette loi, bien plus large que le port de signes religieux, n’est absolument pas liée à la laïcité. Donc cette référence n’est non seulement pas pertinente, mais à plus sont recours institue un biais de regard, notamment en affirmant que la dame est “partiellement” voilée… Nous allons nous battre à coup de cm² dans pas longtemps…
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Valérie Orange (17 novembre 2024). L’ironie de l’EMC… Éducation & Diversité. Consulté le 10 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12p4k
