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Appel à communication : “Penser les trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes dans l’immigration”

Ce colloque a pour objectif de clôturer le projet de recherche ANR Ojemigr « l’orientation scolaire des jeunes migrants », soutenu par l’Institut Convergences Migrations (projet Emigroscol). Il vise à permettre d’organiser un événement scientifique international rassemblant les actuels travaux scientifiques en sciences humaines et sociales relatifs aux questions vives de jeunesses migrantes dans leur rapport à l’entrée dans le système éducatif et dans leur insertion dans la formation professionnelle et le marché du travail. S’il existe des travaux historiques sur le travail des jeunesses migrantes ou des études sociologiques sur les enfances migrantes à l’école, peu d’initiatives ont permis de rassembler des travaux pluridisciplinaires permettant de restituer les expériences de ces jeunesses dans le système scolaire, de formation professionnelle et dans l’emploi de manière simultanée. Il s’agirait ainsi de documenter, sur différentes périodes, le « visage » social et historique de ces publics dans leur complexité et leur hétérogénéité (origine nationale, niveau de qualification, etc.).

Pour le faire, ce colloque vise à approfondir la compréhension des conditions effectives de scolarisation des élèves migrants dont on sait qu’ils rencontrent des obstacles divers dans leurs trajectoires de formation notamment lorsqu’ils sont confrontés aux temporalités parfois contraintes du système éducatif ou de l’entrée dans le marché du travail (bifurcations scolaires, orientation impliquant des démarches particulières des responsables légaux, le respect du circuit administratif et la soumission à celui-ci, accompagnement des familles, rôle des acteurs institutionnels et associatifs, etc.). Il vise aussi à explorer les différents apprentissages et savoirs expérientiels développés diversement en fonction des contextes, des individus et des relations pédagogiques et professionnelles. Dans ce contexte, quels sont les apprentissages des élèves sur les plans sociaux, langagiers, scolaires et professionnels ? Enfin, ce colloque entend aussi comprendre les logiques des acteurs en présence à savoir les ressentis subjectifs des participations scolaires et des professionnalités qui se construisent. Il vise donc à réunir des chercheurs en sciences de l’éducation, en sociologie, géographie, droit, sciences politiques, sciences du langage, anthropologie et économie mais aussi des didacticiens impliqués dans les recherches auprès des élèves primo-arrivants. Il vise à proposer une réflexion pluridisciplinaire des expériences d’élèves ou anciens élèves ainsi que des professionnels de l’éducation, de la formation et de l’insertion économique. Cette initiative encourage la participation de chercheurs mais aussi d’enseignants, de formateurs, d’élèves ou anciens élèves et d’acteurs associatifs ou artistiques. Organisé à partir de sessions de communications, de tables rondes, de conférences-débats et d’ateliers pédagogiques, ce colloque entend poser, via les sciences humaines et sociales notamment, la thématique de la jeunesse en migration dans toute son actualité sociale, scolaire, économique et politique.

Les communications proposées peuvent relever de plusieurs disciplines et échelles d’analyse. Elles peuvent porter sur des approches comparées et des regards internationaux, considérant les différences de contextes et d’ancrages institutionnels et politiques (Kouamé, 2014). Elles s’inscrivent dans les axes thématiques suivants :

  • Axe 1 : Les politiques migratoires, scolaires, de formation professionnelle et de régulation du système éducatif et du marché du travail : contextes, évolutions et effets

En s’intéressant aux cadres institutionnels et réglementaires à la fois socio-politiques, juridiques et économiques organisant la scolarisation, la formation, le droit au séjour et au travail des jeunes migrants, il s’agira d’interroger les applications par les administrations de ces droits et règlementations dans différents contextes socio-politiques : politiques d’apprentissages, accords locaux entre les établissements scolaires et les entreprises, place du Conseil de Région en charge de la formation professionnelle, etc. Quels sont les effets des contextes politiques sur les enfants/jeunes, sur leur vie à l’école et dans leur insertion sur le marché du travail ? Une attention sera portée également aux mineurs non accompagnés qui se trouvent à un croisement, relevant à la fois du droit des étrangers et, au titre de l’enfance en danger, du dispositif français de protection de l’enfance qui n’est censé poser aucune condition de nationalité. Cette situation induit des préoccupations spécifiques (Baby-Collin & Persini, 2022 ; Bailleul & Senovilla Hernandez, 2016) sur les plans scolaire et d’accès à l’alternance notamment en termes d’accompagnement (Kobanda Ngbenza, 2016). Cet axe s’intéressera également à différents contextes nationaux, en analysant l’adaptation et la mise en application des principales sources juridiques internationales en matière de droit à l’éducation et à la formation. Une autre attention sera portée aux politiques locales de démocratisation et d’accessibilité promue par les instances internationales et européennes visant l’inclusion des élèves dans le système éducatif ordinaire1 et leurs traductions à différentes échelles (Ebersold, 2017 ; Armagnague, 2023). Quelles formes prend l’inclusion auprès de ces publics et comment se traduit-elle au niveau organisationnel et relationnel notamment au sein des équipes éducatives ? Comment se construit-elle spécifiquement dans les périodes de bifurcation ou de « carrefour » scolaire ? Comment achoppe-t-elle, sur quels obstacles et quels freins ?

  • Axe 2 : Les apprentissages et les relations scolaires et professionnels ; les pratiques pédagogiques et professionnelles des acteurs impliqués

Pour les jeunes arrivant dans le système éducatif en fin d’enseignement secondaire 1 (collège unique en France), dans les filières professionnelles ou en alternance, l’enjeu est d’apprendre la langue officielle mais aussi, de s’inscrire plus largement dans des parcours scolaires et professionnels illustrant des compétences non-linguistiques. Cet apprentissage, pour les jeunes et les acteurs éducatifs intervenant auprès d’eux, doit se faire avec une échéance proche d’orientation scolaire et dans le cadre d’un projet migratoire parfois instable et ayant des effets sur les personnalités (Moro, 2002). Nous nous intéressons ici à l’observation des apprentissages sociaux, scolaires, professionnels et langagiers ainsi qu’à l’analyse de l’appropriation de ces connaissances et compétences du français en milieu scolaire par les apprenants plurilingues, que ce soit en formation professionnelle ou en classe, pour la discipline « français » ou les autres disciplines (Cuq, 1991 ; Cadet et. al., 2019 ; Mendonca Dias, 2021), notamment les mathématiques (Millon-Fauré, 2013) mais aussi pour les compétences transversales. Différentes questions relatives à la pratique professorale, à l’ingénierie ou aux tâtonnements didactiques et aux relations pédagogiques pourront également être envisagées (Barrère, 2002 et 2017): existe-t-il une spécificité de l’enseignement auprès de ces élèves (Schiff, 2012) ? Si oui, à quel(s) niveau(x) s’observe-t-elle (Azaoui, 2020) ? Quelles démarches pédagogiques et linguistiques permettent d’étayer les apprentissages et de faciliter la socialisation scolaire (Auger, 2010) ? Et au contraire, quelles démarches et pratiques impliquent de la différencier scolairement et pédagogiquement (Mendonça-Dias, Azaoui, Chnane-Davin, 2020 ; Armagnague, 2018)? Il s’agira également dans cet axe de s’intéresser à la multiplicité ou bien l’absence de professionnels, en fonction des contextes nationaux, qui gravitent autour de ces publics jeunes afin d’accompagner cette diversité d’apprentissages (sociaux, scolaires, professionnels et langagiers). En effet, ces trajectoires scolaires questionnent aussi les dynamiques partenariales dans l’école et en dehors de l’école (Morel & Pesle, 2020), la division du travail éducatif (Tardif & Levasseur, 2010) les métiers en présence, ce que produisent les collaborations interprofessionnelles en termes de catégorisations et de dynamiques professionnelles (Pelhate, 2022), de confrontation de registres d’expertises et coordination entre acteurs de l’école et institutions partenaires (Pelhate, 2020). Que produit le croisement des regards professionnels sur la prise en charge de la difficulté d’un élève et l’orientation de sa trajectoire ? Comment les professionnels réceptionnent-ils les directives en termes d’orientation et quel accompagnement des jeunes est-il prévu ? Quelle place ces professionnels prennent-ils, quel rôle jouent-ils, en fonction de quel mandat (Hughes, 1996) ? Quel est l’impact sur l’orientation de la trajectoire scolaire ? Il s’agit notamment de repérer les alliances éducatives entre professionnels aux cultures variées, les potentielles mises en concurrence sur des territoires locaux et nationaux.

  • Axe 3 : Les vécus et expériences scolaires, sociales et professionnelles des jeunes, de leurs proches et représentants légaux

Les enfants et jeunes migrants bâtissent une expérience socio-scolaire et professionnelle configurée notamment par leur ancrage spatial (Baby-Collin, Exbrayat & Russo, 2021 ; Audren, Baby-Collin &Valcin, 2018) et par leur situation migratoire (Armagnague & Boulin, 2023 ; Schiff, 2016). Ceci a des répercussions sur la formation des subjectivités, sur les relations entre pairs et de camaraderie (Armagnague & Tersigni, 2020), les rapports aux institutions (Payet, 2017 et 2016) mais ceci façonne aussi les corps, les représentations et la construction identitaire de ces élèves (Tersigni,2014 et 2019; Azaoui, 2013 ; Schiff, Visier & Zoïa, 2004). Comment les jeunes fabriquent-ils un regard sur leur parcours et comment celui-ci est-il agencé ? Quels en sont les ressorts ? Dans le même temps, ces dimensions vont être décisives dans les ressources et obstacles que vont connaitre les trajectoires scolaires. Comment les enfants et les jeunes composent-ils leur socialisation, leurs stratégies et leur subjectivité dans cette configuration scolaire ? La question du « vécu » de – et dans – l’immigration est une préoccupation ancienne pour le monde thérapeutique : interculturalité, ethnopsychiatrie (Belkacem, 2015, Keyhani &.al., 2017). En contextes de dynamiques migratoires suscitées par des crises politiques parfois violentes, ces approches ré-émergent sous des formes revues et avec des registres lexicaux empruntés parfois aux approches critiques2. Quelle est la place des acteurs thérapeutiques dans la gestion institutionnelle de ces enfants et jeunes ? Quelles sont leurs analyses et leurs interventions ? Comment ces interventions opèrent-elles et quels en sont leurs différents effets ? Cet axe souhaite également questionner la place des proches ou des parents ou représentants légaux dans ces trajectoires scolaires, l’impact qu’ils peuvent avoir sur les familles (Payet, 2017) et en retour, la place et le rôle des familles dans les processus d’orientation et de professionnalisation des jeunes. Parfois éloignés des attendus institutionnels, comment les parents parviennent-ils à se saisir de la dynamique d’orientation ? Quelle place leur est faite dans le processus et les discussions concernant le jeune ? Comment investissent-ils la scolarité, l’orientation puis quel rôle jouent-ils dans l’insertion professionnelle du jeune ?

  • Axe 4 : À la recherche de « proxi » : réflexions éthiques et méthodologiques

La recherche auprès d’un public jeune, non locuteur de la langue majoritaire et parfois affaibli notamment par les démarches d’enquêtes administratives et sociales n’est pas aisée du point de vue de la recherche qualitative (Hopkins, 2008 ; Senovilla-Hernandez, 2021) ou par les difficultés langagières (Meur & Cadet, 2024). Également, la recherche implique de s’appuyer sur des informateurs privilégiés (White, 1944), en tant que principaux organisateurs des scolarités et en tant que principaux dépositaires des informations opérationnelles. Dans le même temps, la sensibilité du sujet et l’instabilité sociale et économique de ces populations rendent les études statistiques également difficiles en l’absence de données pertinentes. Le programme ANR Ojemigr a éprouvé la combinaison d’approches ethnographiques et statistiques et ce colloque entend donner une large place aux initiatives méthodologiques malaisées, tâtonnantes ou réflexives : édifications de proxi pour des modélisations et selon quelles logiques, enjeux des méthodes mixtes, approches participatives, expérimentations notamment via les arts (Armagnague, Cossée & al., 2017). Quelle principale question se pose alors le chercheur inscrit dans ces terrains et sujets d’enquête (Payet, Giuliani & Laforgue, 2008) ? Quels ajustements et travail sur lui et sur l’objet doit-il réaliser ? Peut-on parler d’engagement du chercheur auprès des publics enquêtés (jeunes, professionnels) ? Comment le chercheur peut-il garder une posture critique tandis qu’il est impliqué dans la relation d’enquête (Pelhate & Rufin, 2016) qu’il déconstruit ex post aux fins de l’analyse ? Les explicitations de ces réflexions sont au cœur de cette partie du colloque. Les perspectives internationales, mêlant des contextes politiques et migratoires différents ou engageant, dans différents espaces la question de la liberté académique seront les bienvenues.

1 Conseil de l’Europe, 2017, Commissaire aux droits de l’homme, “Fighting School Segregation in Europe Through Inclusive Education” [en ligne].

MODALITÉS DE SOUMISSION

Les propositions de communication devront répondre aux normes suivantes :

  • Nom, prénom du ou des auteurs
  • Institution(s) de rattachement
  • Adresse(s) de messagerie
  • Titre de la communication proposée
  • Axe dans lequel elle s’inscrit
  • Mots-clés (3 maximum)
  • Résumé de la proposition de 2 500 signes (espaces compris), qui mentionnera la problématique, les données et méthode sur lesquelles se fondent l’analyse, les approches disciplinaires mobilisées et les résultats.
  • Une bibliographie de 5 références au maximum.

Langues : français ou anglais

Les propositions seront envoyées au format PDF à l’adresse suivante : colloqueojemigr@gmail.com

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions : 07 mars 2025
  • Évaluation par le comité scientifique puis retour aux auteur.e.s : avril 2025
  • Date limite de rendu de la version écrite de la communication : 20 novembre 2025

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Fabrice Dhume (15 janvier 2025). Appel à communication : “Penser les trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes dans l’immigration” Éducation & Diversité. Consulté le 12 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1339e


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